DU
BON USAGE DE LA NOMENCLATURE
OU
"COMMENT APPELER UN CHAT UN CHAT"
Partie
1 :
Les
orchidées botaniques

Quel
est le point commun entre les hiéroglyphes de l'obélisque de la Place de
la Concorde et les noms de nos orchidées ? Aucun…
Enfin,
presque ! Dans les deux cas,
il existe tout de même des règles précises et immuables permettant une
bonne compréhension du texte et ce au premier coup d'œil. Les quelques
explications qui vont suivre ne prétendent pas donner les règles
précises de la nomenclature botanique mais le minimum vital pour s'y
retrouver dans le dédale des noms scientifiques. |
Prêts
pour le mal de tête ? Alors allons-y |
Tout
d'abord, qu'est ce qu'une orchidée botanique ?
Parmi le vaste choix qui
nous est proposé à la vente chez les orchidéistes on distingue
les orchidées botaniques et les horticoles. Mais quelle est la
différence entre les deux ?
En fait une espèce
botanique n'a subi aucune hybridation de la main de l'homme.
Cette espèce est donc telle qu'elle existe à l'état sauvage :
l'homme n'a fait que la cultiver sans la croiser avec une autre
espèce d'orchidée.
Au contraire une orchidée
horticole (ou hybride) est le fruit d'une hybridation par
l'homme entre 2 espèces différentes (ou 2 hybrides différents).
Une telle orchidée n'existe pas à l'état sauvage dans la nature
: c'est une pure création humaine…
Si on fait un parallèle
avec les canidés disons que les orchidées botaniques sont l'équivalent
des différentes espèces de loups et de renards, alors que les
orchidées horticoles sont l'équivalent des différentes races de
chiens créées par l'homme par croisement de ces espèces sauvages
et des différents hybrides obtenus.
Une orchidée botanique peut
néanmoins être issue de culture in vitro et n'avoir jamais connu
la vie sauvage. Elle peut même être le fruit d'une longue sélection
en culture pour en améliorer la forme, la taille, la vigueur ou
autre. Mais cette plante de culture n'en reste pas moins une orchidée
botanique car les croisements n'ont été faits qu'entre individus
de cette même espèce.
Reste le cas des hybrides
naturels : les orchidées sauvages ne nous ont pas attendus
pour se croiser entre elles et il existe de nombreux cas
d'hybridation naturelle. On pourra citer, par exemple, le cas de Dendrobium
x delicatum qui est un hybride de Dendrobium kingianum
et Dendrobium speciosum et qu'on peut parfois
trouver dans la nature sans aucune intervention humaine. On sait
que de telles plantes sont des hybrides en les croisant avec
elles-mêmes : les espèces parentes réapparaissent alors aléatoirement
parmi la descendance alors que quand on croise une orchidée
non-hybride avec elle-même on obtient des rejetons ressemblant
tous plus ou moins à la plante mère… |
|
|
|
Un
peu de systématique...
Afin de comprendre comment
s'organise la classification et de rendre compréhensibles certains termes
que vous serez amenés à rencontrer au hasard de vos lectures, il est bon
de rappeler les grandes lignes de la systématique.
Voici les taxons qui nous
intéressent et plus particulièrement notés en caractères gras ceux que
vous rencontrerez souvent :
• Famille |
(terminaison
en -aceae) |
• Sous-famille |
(terminaison
en -oideae) |
• Tribu |
(terminaison
en -eae) |
• Sous-tribu |
(terminaison
en -inae) |
• Genre |
|
• Sous-genre |
|
• Section |
|
• Espèce |
|
• Sous-espèce |
|
• Variété |
|
• Forme |
|
|

|
Prenons
un exemple :
Oncidium
varicosum var. concolor
Famille
: |
Orchidaceae |
Sous-famille
: |
Epidendroideae |
Tribu
: |
Cymbidieae |
Sous-tribu
: |
Oncidiinae |
Genre
: |
Oncidium |
Sous-genre
: |
|
Section
: |
Synsepala |
Espèce
: |
Oncidium
varicosum |
Sous-espèce
: |
|
Variété
: |
concolor |
Forme
: |
|
|
Vous constaterez que toutes
les lignes ne sont pas remplies : ce serait exceptionnel! |
|
Normes
d'écriture des espèces botaniques... |
 |
Pour l'écriture des noms
d'espèces, il y a 3 règles principales à respecter :
1) Un nom d'espèce obéit
obligatoirement au système binomial mis en place par Linné, c'est-à-dire
un nom de genre suivit d'une épithète spécifique (donc nom de genre
suivi
du nom de l'espèce) ;
2) Le nom de genre porte une
majuscule alors que le nom d'espèce (en réalité, l'épithète spécifique)
lui n'en porte jamais ;
3) Les noms de genre et d'espèce s'écrivent
en italique (comme pour tous les noms latins des taxons).
Un nom scientifique est écrit en
latin, il ne porte donc jamais d'accent (avec une petite exception rare
pour le tréma sur le 'e' pour indiquer qu'il se prononce différemment),
de trait d'union (sauf dans quelques cas comme Dendrobium
victoriae-reginae) ou de lettres spécifiques à une langue ('ç',
'ñ').
On n'écrira donc jamais rénanthéra
imschootiana ou Rénanthéra Imschootiana
mais Renanthera imschootiana.
Bien entendu, vous serez tous
pardonnés si vous oubliez une majuscule ou l'utilisation de l'italique (ndlr
:
quoi que !!! ). |
Lorsqu'on
doit apporter une précision comme la sous-espèce, la variété ou la
forme on ajoutera respectivement les abréviations subsp., var. ou f.,
lesquelles abréviations, vous l'aurez noté, ne s'écrivent pas en
italique.
De même que les très utiles abréviations
sp. et cf. qui indiquent respectivement la méconnaissance de l'espèce
exacte et la forte ressemblance avec l'espèce citée.
Exemples
:
Epidendrum
sp. (C'est bien un Epidendrum
mais lequel… )
Dendrobium
cf. insigne (Tiens, cette plante ressemble vraiment à Dendrobium
insigne mais je ne suis pas complètement convaincu que ça en soit
un ). |
Attaquons-nous
maintenant au cas particulier des hybrides naturels. |
Dans le cas d'un hybride
intergénérique (entre deux genres) on placera un 'x' minuscule (pas en
italique) devant le nom du genre :
x Sophrocattleya leeana.
Dans le cas d'un hybride
interspécifique (entre deux espèces appartenant au même genre) on
placera un 'x' minuscule, non écrit en italique, entre le nom de genre et
l'épithète spécifique:
Trichocentrum x marvraganii.
Lorsqu'on veut expliciter la formule
d'un hybride, on notera : Trichocentrum x marvraganii =
Trichocentrum jonesianum x Trichocentrum stacyi.
On pourra même se permettre alors
quelques entorses : Trichocentrum x marvraganii = T. jonesianum x
T. stacyi, voire T. jonesianum x stacyi. |
 |
|
|
Pourquoi
les noms de mes orchidées changent-ils aussi souvent ?
Il faut bien admettre que
les changements intempestifs et fréquents de noms d'espèces ou
de genres constituent pour chacun d'entre-nous un véritable
casse-tête et une source non négligeable d'exaspération. Mais
dites-vous bien que la classification et la biologie ne sont pas
des sciences figées et que de tels changements sont les signes
certains d'une véritable dynamique autour de l'étude des orchidées.
Et c'est tant mieux !
Deux cas vont se présenter
à nous : le changement du nom de genre (cas le plus fréquent) et
le changement de l'épithète spécifique.

1) Changement du nom de
genre.
Il s'agit, en général,
d'un réajustement des connaissances ou d'une simplification de la
classification. L'étude plus fine de certaines caractéristiques
morphologiques, biochimiques ou génétiques conduit souvent à
revoir les subdivisions établies artificiellement au cours des
siècles. Il apparaît ainsi que certaines distinctions basées
sur la seule observation de la forme d'un organe -distinctions
ayant conduit à la création de plusieurs genres distincts- se
révèlent totalement minimes, voire anecdotiques, par rapport à
d'autres caractéristiques bien plus importantes que seules les
techniques modernes permettent de mettre en évidence (notamment
le séquençage d'ADN qui est à la base de beaucoup de modifications
taxinomiques actuellement).
Dans de tels cas, les
botanistes seront amenés à réviser les genres incriminés et,
bien souvent, à rassembler les espèces au sein d'un même genre,
soit déjà existant, soit nouvellement créé pour l'occasion.
Exemple : suppression du genre Baptistonia au profit du
genre Oncidium.
Dans d'autres cas, c'est
exactement le contraire qui se passe et un même genre va se
trouver divisé en plusieurs autres genres dans lesquels seront
" dispatchés " les différentes espèces. Exemple : les
Oncidium Equitants sont reclassés en Tolumnia et
les Oncidium "oreille de mule" en Trichocentrum
ou en Lophiaris, d'autres deviennent des Miltonia,
des Cuitlauzina, etc.
En règle générale, un
changement de genre n'affecte pas l'épithète spécifique (nom
d'espèce) :
le mot est conservé, mais s'accorde avec le genre grammatical du
genre botanique auquel il est rattaché.
Exemples :
Oncidium
hawkesianum devient Tolumnia hawkesiana.
Kingidium
deliciosum devient Phalaenopsis deliciosa.
2) Changement du nom
d'espèce.
Dans
de rares cas, le changement de genre s'accompagne d'un
changement d'épithète spécifique : ceci arrive lorsque le
nom d'espèce est déjà utilisé dans le nouveau
genre. On se retrouverait alors avec 2 orchidées
portant le même nom ce qui est impossible. Pour
l'orchidée transférée on utilisera alors soit l'un des
synonymes de son épithète spécifique, soit un nouveau mot
expressément créé (mais là, ça prend beaucoup plus de
temps).
Exemple : Baptistonia
echinata a été transféré dans le genre Oncidium
et aurait dû, normalement, être appelé Oncidium echinatum.
Or il existait déjà
une plante appelée Oncidium echinatum. On a alors
pris le synonyme le plus ancien de Baptistonia echinata
qui s'est donc appelé Oncidium brunleesianum.
Et du coup maintenant on ne sais plus du tout qui est qui !!!
 |

Oncidium
brunleesianum |
Si vous voulez connaître le
nom actuel d'une de vos orchidées botaniques vous pouvez consulter
le site de Kew Garden.
Bien que n'étant pas reconnu par tous les taxinomistes, cette
classification a au moins l'avantage d'être facilement accessible
à tous... |
|
|
Voila, vous
êtes maintenant hyper calés en nomenclature des botaniques, c'est cool
nan ??
Mais ne vous réjouissez pas trop
vite : nous aborderons
prochainement la nomenclature des hybrides et la vous n'allez pas rigoler
je vous le dis ! 
|
Philippe13,
le 22 Octobre 2008
et quelques
lignes de Laurence de-ci de-là 

Pour tous ceux qui voudraient
approfondir la question (et ne craignent pas de s'endormir au bout de dix minutes de
lecture) voici la référence en la matière, hermétique et soporifique à
souhait :
- Code
Botanique de Saint-Louis (1999) en Français.
- Code
Botanique de Vienne (2006) en Anglais.
Accueil
Plan FAQ
Fiches de culture Orchigazette
Matériel
|