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La saga Phragmidedium kovachii
Pendant ce temps, un certain Michael Kovach (Importateur d'orchidées américain) est en voyage d'affaire au Pérou. Il part en Taxi sur une petite route de campagne appelée "El Progresso" dans les Andes à la recherche d'orchidées sauvages que les péruviens vendent sur le bord des routes. Son chauffeur de taxi, José Mendoza, l'emmène voir des spécimen hors du commun. Il a alors l'occasion d'acheter 3 exemplaires de ce merveilleux Phragmipedium aux immenses fleurs violettes. Il voit alors dans la plante extraordinaire sa chance de laisser une marque éternelle dans le monde des orchidées: il veut que la plante porte son nom, à n'importe quel prix. Laissant 2 des 3 plantes à Lee Moore (un chasseur d'orchidées américain qui possède une serre commerciale au Pérou depuis 1996), il fourre la 3eme plante dans une valise et l'apporte directement (et très illégalement) au jardin botanique de Marie Selby en Floride... Selby est une institution américaine hautement respectée et aux moyens énormes. Elle produit son propre journal et possède une des collections d'orchidée les plus impressionnante du monde. Dans le monde, c'est l'institution ou on retrouve la plus grande concentration de taxonomistes certifiés par l'American Orchid Society. Plus d'une dizaine de nouvelles espèces d'orchidées y sont décrites chaque année. Deux des experts de Selby (John T. Atwood et Stig Dalström) se joignent à Ricardo Fernandez (responsable des orchidées au musée d'histoire naturelle de lima au Pérou) pour faire la description de la plante et la nommer officiellement Phragmipedium kovachii. Le 12 juin 2002, Selby fait paraître l'article dans une édition spéciale de son journal "Selbyana" et devance ainsi de 2 semaines la parution de l'article de Eric Christenson dans "Orchids". Kovach a donc gagné: il est officiellement le découvreur de cette splendide orchidée dont il ne sait en fait rien puisqu'il l'a simplement achetée au bord d'une route pour moins de 7 dollars américains.
Mais l'histoire ne fait que commencer. Se sachant en possession d'une plante illégale, Selby renvoie immédiatement le spécimen au Pérou (non sans qu'un des experts, John Atwood, en ai prélevé une division pour la ramener avec lui dans le Vermont). Mais il est trop tard, car même si la plante a été restituée, la guerre a déjà été déclarée. Les autorités péruviennes déposent une plainte pour exportation illégale d'orchidées protégées par la convention de Washington. Parallèlement, une campagne généralisée de dénonciations auprès de la "police américaine des orchidées" est lancée aux états unis... Kovach, Selby et certains importateurs américains d'orchidées sont l'objet de raids. La plante trouvée chez John Atwood est saisie. Plusieurs accusations sont portées devant le grand jury, et Selby plaide finalement coupable après plusieurs mois de déni...
L'emplacement du site photographié par Koopowitz a été tenu secret... Du moins jusqu'à ce que lui et 3 autres soit complètement pillés à leur tour. Un trafic d'orchidées très bien organisé s'est mis en place au Pérou avec la bénédiction des autorités péruviennes qui ferment les yeux avec bienveillance. José Mendoza, Lee Moore et bien d'autres en font apparemment leur choux gras. Les péruviens en comparaison récoltent bien peu en retour de ce saccage dont ils sont pourtant les premier artisans. Pour la population locale très pauvre, collecter les plantes et les revendre localement est simplement un moyen de manger à sa faim. Mais ce sont avant tout les revendeurs (souvent des non péruviens)qui s'en mettent plein les poches. Et quoi que l'on puisse en dire, le marché est créé par nous, les collectionneurs d'orchidées des pays riches, nous qui sommes prêts à payer cher pour se procurer une plante rare. Voila donc la rocambolesque histoire de cette nouvelle orchidée qui s'appelle désormais et pour la postérité Phragmipedium kovachii et non pas P. peruviana. Je suis bien sur loin d'en avoir reconstitué tous les tenants et aboutissants, je ne vous rapporte ici que des bribes d'informations glanées sur le Web et sur différents forum mais qui ont toutes été recoupées. Beaucoup de points restent encore à éclaircir et la saga suit son cours inexorable de bêtise. Je n'essaie absolument pas ici de faire une leçon de morale ou quoi que ce soit s'en approchant. Pour vous dire franchement, au vu des millions de personnes qui meurent du Sida en Afrique par exemple, je considère toutes ces magouilles, ce brassage de fric et ces flots d'insultes webesques auxquels j'assiste quotidiennement comme particulièrement pathétique et sans intérêt. Et au risque de vous choquer, tant qu'il y aura encore un seul humain sur la planète qui mourra de faim, je crois que le sort des orchidées passera toujours pour moi au deuxième plan (même si je les aime énormément... ). Mais bon, ça n'empêche pas qu'il est important de savoir ce qui se passe. Le fait est que cette plante est en bonne voie d'être systématiquement arrachée de chaque infractuosité de rocher ou elle a pu élire domicile, sans que personne n'ai encore pu savoir quelles sont exactement ses conditions de culture ni quel est son polinisateur naturel. Tout ça moins de 2 ans après sa découverte... L'histoire de P. kovachii n'est qu'un exemple, une reproduction de ce qui c'est déjà passé avec beaucoup d'autres orchidées, comme par exemple Paphiopedilum vietnamense pour ne citer que lui. Indirectement, nous sommes responsables, nous amateurs d'orchidées et consommateurs, de ces dérives. Un jour vous rencontrerez peut être P. kovachii ou une de ces autres orchidées sujette à controverse sur votre chemin. Ce jour la, vous aurez toutes les cartes en mains pour faire ou non le choix de la ramener à la maison. Quel que soit ce choix, il ne doit se faire en toute connaissance de cause car le seul but de ce texte était donc que vous sachiez... Laurence, le 27 décembre 2003 dernière mise a jour le 22 Nov. 2006 En janvier 2004 le jardin botanique Marie Selby a été accusé de possession et transport illégaux d'une nouvelle orchidée. Plutôt que d'aller en procès, le jardin botanique a plaidé coupable et négocié un arrangement avec le gouvernement américain. Il a payé une amende de 5000 $ assortie de 3 ans de mise en probation. En Novembre 2004: Michael Kovach a plaidé coupable à une accusation de transport illégal d'orchidée et a été condamné à 1000$ d'amende avec 2 ans de mise en probation. Paru dans Orchid Digest 68(4) (2004): Manuel Arias Silva, à été condamné à une peine de 21 mois de prison assortie de 3 ans de supervision et d'une amende de 5000$. Paru dans Orchid Digest 69(1) (2005): George Norris de Spring au Texas, à été condamné à une peine de 17 mois de prison plus 2 ans de probation. Bien que n'ayant rien à voir avec l'affaire Kovachii, il a été condamné pour avoir importé des phragmipedium sciemment mal étiquetés aux USA en plein milieu de la controverse Kovachii. Pour en savoir plus: http://www.phragmipediumkovachii.com description de Phragmipedium kovachii (texte en anglais) le 18 juin 2002, Selby annonce la decouverte d'un nouveau Phragmipedium (texte en anglais) Article du Miami Herald (en anglais) Article du San Francisco Chronicle (publication originalement du New York Time en anglais)
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